Je suis un arbre. Et mes racines sont profondément enfouies dans la terre de son amour. Mes branches se meurent chaque jour, à la danse de ses vents et ses torrents. Mes pousses éblouies par son aurore. Mes feuillages rincés aux baisers de sa rosée.
Son être est l’eau qui gouttait, cupidement, pantelait la vie en moi. Elle venait me réconforter avec le sable de son amour, qui ingurgitait le reste de cette pluie qu’il avait daigné verser avarement, printemps passés. M’arguant que ces nuages ne sont faits que pour moi, pour me ressourcer. Tout en celant les rayons qui animeraient mon fût grisâtre, du peu de beauté et force qui lui restaient. Les mots que me bruissaient ses vents m’assuraient que le soleil somnolait en chacun, chaque arbre, chaque cœur et chaque amour. Sans le besoin de l’apercevoir.
Mes feuilles pendaient une à une sous ses yeux. Et je le rassurais que l’automne n’était qu’une saison, une histoire de nuits et de jours qui se suivaient. Qu’elle passerait. Que le beau temps resurgirait. Il aimait ma tête haute, mais me soufflait son vent, fortement, violemment. A ma grande malédiction, personne ne voyait le vent. On ne blâme que ce que l’on voit. Et on ne voit pas ce que l’on sent. Sans témoins, il n’y a pas de crimes. Je lui disait que mon bois était dur, et qu’il sera beau, qu’il fallait juste lui donner le temps. Pourvu que mes racines restaient ancrées en lui, pour toujours. Je reviendrai, fort et beau. Comme il m’avait connu. Le rassurais-je. Mais moi. Mon arbre, nous étions les seuls à croire ce mensonge.
Je n’avais jamais douté de sa générosité. La générosité de sa terre. Celle qui nourrissait mon être. Mais elle était un poil plus affable que ce que je désirais. Elle me sustentait, tout en s’offrant insatiablement à d’autres baliveaux. Je regardais le ciel, et restais en lui. Jusqu’au jour où j’avais touché d’autres racines, plus proches les unes que les autres des miennes. J’avais compris. Mes feuilles avaient compris. Mon bois avait compris. Mon tronc avait compris. De la même façon dont cette terre m’aimait, elle aimait les autres. Je partageais ma terre, mon eau, et le vent qui soufflait sur mon houppier. Mais à ma différence, les autres ne voyaient que le soleil et le peu de pluie qu’offrait son année. J’avais droit aux nuages et aux torrents. Révolus les temps où, moi-même, je pouvais jouir de ce qu’il offrait de plus beau. Révolus.
Il prit son soleil. Sa pluie. Ses nuages et ses torrents. Et a quitté ma forêt.
Je suis un arbre. Je suis un chêne. Un chêne en plein désert.
Je suis l’homme amoureux. Le maître de mes mots. Le prophète de mes maux.